Lençois maranhenses

La fin inéluctable de notre voyage était douce. Ni tétanisés par la peur ni hantés par les regrets, nous voguions paisiblement, au rythme des vagues. Derniers jours d’un voyage magique, le coeur léger et les yeux pétillants. Devenus de plus en plus rares, nos mots ont disparu, comme ces messages écrits dans le sable. Seuls restent les souvenirs et les photos. Expression majeure de la beauté de ces lieux uniques.

Replongeons-nous…

Après Guajiru, nous avons continué notre route vers le Nord. Toujours le long de la côte. Rien n’est organisé, mais tout est simple. C’est le luxe de ces pays ou le temps est l’une des principales richesses. Debout à 4h45, nous grimpons à l’arrière de cette fourgonnette ouverte qui nous emmène vers Itapipoca. Ce nom… Un rêve! 1h30 plus tard, nous y sommes. Une première étape de 3 heures. Le temps d’acheter les tickets du bus suivant et d’enfiler un petit déjeuner mérité: café, misto et pão com manteiga.

Jijoca. C’est la prochaine halte. 12,5 reais pour une des demi-places dans un bus Fretcar. L’engin déborde, mais nous nous frayons un chemin pour tenir les 4 heures de route. Mais Jijoca n’est qu’un prétexte pour atteindre notre eldorado du moment: la célèbre Jericoacoara, aussi connue sous le petit nom de Jeri. Mais pour y arriver, nous devons encore monter à bord d’un van 4×4. Indispensable pour franchir les dunes de sable fin qui séparent la belle du reste du monde. En effet, Jeri est coincée entre deux étendues délicieuses, prise en étau entre la mer et le sable.

Pour cette épisode, nous avons fait le choix du luxe, puisque nous logeons à la Villa. Un endroit idyllique dans un lieu magnifique, tenu par Delphine. Une française, certainement installée de longue date, vu son chaleureux accueil, son charmant et bronzé bambin et son habituel « oubli » de soutif. À Jeri, personne n’a besoin de soutien… L’arrivée est donc aussi douce que le sable est fin. Beauté, calme et apaisement se conjuguent pour nous installer dans les meilleures conditions imaginables. Mais c’est que le bonheur ça creuse! On sort dans le centre. Mais comment vous expliquer? Jeri est un village fait de sable, dont la constante est d’offrir la mer en toile de fond. Ni voitures ni agitation. Tout ici n’est que poisson grillé, hamac et bracelet autour de la cheville. C’est d’ailleurs aux senteurs d’une moqueca que nous dinons.

22.10.2011. C’est l’anniversaire d’Angie. Et la Villa ne l’a pas oublié… Petit-dej’ copieux, gâteau d’anniversaire et débute une journée chargée: cocktails au bord de la piscine, quelques skype avec la famille et les amis, hamac, siestes, etc. Et puis, comme tout à une fin, c’est déjà l’heure de s’habiller pour le grand soir. Le resto Tamarino nous accueille pour un repas inoubliable à plusieurs niveaux… L’apothéose se déroule en haut de la dune do Pôr do sol. Un coucher de sol incomparable!

Les jours suivants se déclinent sur les mêmes thèmes: soleil, sable, lecture et repos. Sans oublier, une fourchette toujours bien active: carne de sol, peixe tamarindo, picanha alho oleo, moqueca bahiana, poissons grillé, bife acebolado, entre autres. On ne vous l’a pas encore dit, mais Jeri est aussi un repère de kitesurf et autres sports de voile. Oui, mais non… Nous, on préfère se prélasser. Un peu, car, au sixième jour, nous prenons la poudre d’escampette. Un marathon de transports nous attend… Sur deux jours, nous allons parcourir près de 400 bornes pour accéder au parc national dos Lençóis Maranhenses (littéralement, les draps du Maranhão): plus de 1.500 km2 de dunes et de lagunes, bordés par l’océan Atlantique.

Première marche: Camoçim. Moyen de transport: un van 4×4. Prix: 35 reais par personne. Passagers: un hollandais, nous et le sosie brésilien d’Elie Semoun. Nous longeons l’océan sur la plage, traversons des bras de mer, croisons des forêts d’arbres aux racines apparentes. Le décor est fantastique. A Camoçim, on remet ça. Toujours un van (toujours 35 reais), d’autres passagers. Un couple de français qui traverse l’Amérique du Sud. Décidément, le monde est devenu une plaine de jeux (pour certains).

Junior, pilote émérite, est aux commandes. Et sa tâche n’est pas simple, tant le climat actuel de la profession est tendu. En effet, chauffeurs avec licence et sans se livrent une bataille sans fin. Tout ça pour une question de territoires et évidemment de gros sous. Junior fait partie de la première catégorie. Non sans mal, on quitte Camoçim sous le regard incrédule de plusieurs dizaines de passagers en attente de transport. Sur la route, un barrage organisé par les « sans licence » nous freine plusieurs minutes, mais Junior parvient à se frayer un chemin. Après cet épisode d’âpres négociations, nous faisons une halte chez lui, à Chaval, petite bourgade à la frontière des États du Ceará et du Piauí.

Lorsque nous atteignons Parnaíba, il n’est que 14 heures, mais la journée nous semble déjà bien longue. Même rituel, un autre transport. Seuls, cette fois. Notre destination finale? Paulino Neves. Sur les coups de 18 heures, et après avoir croisé Tutóia, nous arrivons à bon port. En tous cas, pour cette nuit. Le chauffeur nous dépose sur le pas de la porte d’une charmante maison. Un vieux monsieur très attentionné nous accueille et nous propose le gîte. Rien n’est organisé, mais tout s’organise. La Pousada Oasis dos Lençóis sera donc notre ultime refuge, puisque les Lençóis Maranhenses ne sont plus qu’à quelques kilomètres. Pour bien terminer cette journée marathon, nous sortons prendre le pouls de ce village. Pas de lumière, le silence, au loin de la musique, l’air chaud, tout ici est paisible. Une première, puis une seconde churrasqueira nous calent l’estomac. Dans le dernier établissement, une espèce de garage aménagé en front de rue, nous faisons la connaissance du sosie de Gilberto Gil et d’un jeune de Bahia, devenu guide local. Ses explications sur les Lençóis sont une douce musique pour nos oreilles…

La nuit est courte. Départ à 3h30 à bord d’un drôle de véhicule: la jardineira. Un camion 4×4 qui coupe à travers dunes jusqu’à Barreirinhas, principale ville en bordure du parc national. Dans la nuit noire, le mastodonte se remplit progressivement d’âmes encore endormies. À 6 heures du matin, ce beau petit monde arrive (cabossé) à destination. Après des utilités, banque et petit déjeuner, nous nous promenons dans la ville encore assoupie. On a un objectif précis en tête: trouver un bateau qui nous emmène au plus profond des Lençóis. Après quelques négociations, nous sautons à bord d’une lancha (petit speed boat pour 50 reais). Pendant 1h30, nous remontons le rio perguiça (le fleuve fainéantise). Un décor amazonien!

Atins, le bout du monde. Littéralement… La lancha nous dépose à l’embouchure du fleuve, là où dort Atins. Le paysage est surréaliste. L’océan, le rio, un goal de foot sans filet, du sable, de mini-lagunes, des dunes et des arbres. On avance lentement, les pieds dans l’eau, vers l’artère « principale » d’Atins, simplement bordée de quelques maisons, disposées dans les dunes! On pose nos sacs chez Dona Rita, une charmante maisonnette, des fauteuils couverts d’un drap, une télé et notre petite chambre. Dona Rita doit avoir la cinquantaine et un sourire permanent. Des lèvres et des yeux. Elle fait partie de ces personnes dont on peut apercevoir l’âme à travers les traits du visage, tant elle respire la simplicité. Après nous avoir installés, elle nous présente Chico. La petite quarantaine, bronzé, le visage serein et le corps séché par la chaleur, notre futur guide est plus dur en affaires. Et puis, nous, plutôt peu concernés par ces histoires d’argent. 100 reais la journée? Deal! Départ? Amanhã! Parfait, à demain matin dans ce cas…

L’agenda des prochains jours bloqué, nous partons nous promener sur la plage. À seulement quelques mètres de la maison. On ne cesse de se pincer tant les lieux sont paradisiaques. De ces paradis isolés. La mer s’est éloignée et laissé la place à des lagons azurs. On ne sait quoi faire? Se balader? Bronzer? Photographier? Plonger? On veut tout faire à la fois pour n’en perdre aucune miette. Comme si la nature voulait en remettre une couche, surgit de nulle part un chien splendide. Chocolate! Brun, athlétique et joueur, il ne nous quittera plus d’une semelle. Notre compagnon de jeu. Nos pas croisent la maison de Aaron. Enfin, ce qu’il reste de cette immense demeure détruite par la force des vagues.

Nous avons sous-estimé les distances et la vigueur du soleil. Assoiffés, cramés et fatigués, nous nous restaurons en face de chez Dona Rita. Au menu: du poisson accompagné par du pirão, des haricots, du riz et de farine de manioc. Quelques courses au seul bar de la région et au lit. Enveloppés dans nos draps en cotons, nous songeons avec curiosité au lendemain: le début de notre aventure dans les draps de sable du Maranhão!

 

Cela devient une habitude. Réveil à 3h du mat’. Dans une heure, Chico vient nous chercher. La lune veille encore seule, lorsque nous empruntons la piste de sable en direction des dunes. Nous nous enfonçons dans le sable, ce qui rend la marche de plus en plus difficile. Vers 7h, nous faisons notre première halte à la lagoa verde. Ce lieu exprime bien ce que sont les Lençóis. Des dunes à perte de vue. Un désert parsemé de surprises bien cachées: les lagunes. À peine arrivés, nous plongeons tout habillés dans l’eau turquoise. Existe-t-il des mots pour décrire ces instants de bonheur? Pas dans notre maigre dictionnaire. Mais après le réconfort, la douleur. Celui qui est toujours notre ami se transformera rapidement en un terrible adversaire…

Chico, lui, n’en a cure. Il est habitué. Le soleil ne brûle plus sa peau déjà tannée. Mais nous, pauvres blancs becs… Il est 8h et la boule de feu est déjà incandescente. Au sommet de chaque dune, on croit apercevoir l’arrivée. Ce ne sont que des mirages. La réalité est qu’on s’enfonce dans l’immensité blanche. Tout devient flou. La bouche desséchée, nous avançons péniblement. Un pied devant l’autre. Mal équipés, Angie s’est chopée des allergies aux mollets. Heureusement, nous arrivons au « campement »… Une tente rudimentaire en paille, dans laquelle animaux et bergers font la sieste. Entre excréments, déchets et peaux de bêtes, nous nous laissons aller à une bonne sieste. Le temps de laisser le soleil seul au zénith…

Nous reprenons quelques forces. Des t-shirts accrochés à ses mollets, la peau d’Angie sera protégée de la furie des rayons de lumière. 13h30, nous avons déjà 6 heures dans les pattes. Après quelques kilomètres de marche silencieuse, une nouvelle lagune fait notre bonheur. Sa fraîcheur et sa beauté nous revigorent. Nos jauges d’énergie repartent à la hausse! 15h30, nous sommes au coeur des Lençóis. À 40 kilomètres de Atins. À plusieurs de marche. Nous arrivons au moment où le soleil commence à devenir clément. Mais qu’y a -t-il au coeur de nulle part?

Une maison, faite de bric et de broc. Le lieu s’appelle Queimada (littéralement, brûlée)Une petite famille, dont les parents sont absents. Dona Losa et son mari sont allés « en ville ». Donc, partis pour plusieurs jours. C’est Josy, la grande fille du clan qui nous accueille et qui s’occupe des deux plus petits: Isidori et le tout petit Liam-Juan. Des prénoms peu communs, dans un endroits hors du commun. Pas d’électricité, pas de commodités. Des poules, du sable, un feu de bois, des hamacs. Après l’avoir pourchassée, Josy attrape avec aisance une poule. C’est notre dîner. Un coup sur la tête, quelques plumes enlevées et c’est servi avec des petites pâtes, du riz, du pirão, des haricots et de la farine de manioc. Comment? Vous vous demandez s’il y a assez de féculents? Pas de souci, un dessert est prévu: des buriti, fruit d’une espèce de palmier, et confiture de caju. Quelle journée!

La nuit se passe dans des hamacs. Pratiquement à la belle étoile. Avec un peu de chance, on peut déceler un peu de noir dans le ciel, parmi toutes ces étoiles. Champ infini de diamants. De la voûte céleste à nos songes. Légers que nous sommes…

À 5 heure, le soleil dort encore. Reprenons nos pas, avant qu’il ne vienne nous frapper de ses rayons. Si l’idée est bien de rebrousser chemin vers Atins, nous ne reprenons pas le même chemin. Chico a un GPS dans l’oeil. À 9h, dune après dune, nous atteignons la plage. La vraie. Ce banc de sable qui borde l’océan. L’air y est un peu plus respirable. Le vent et les vagues nous rafraîchissent les idées. Dans un cabanon de pêcheur, nous cassons la croûte: oeufs durs et farofa. Revigorés, nous reprenons notre marche, pris en étau par les immensités. Le ciel, les dunes et la mer s’unissent pour mieux nous montrer notre parfaite insignifiance face à la nature. Comme pour nous narguer, des nuages noirs se forment pour éteindre la lumière et nous asperger d’une violente averse. Tu as gagné, Nature! Tu es la plus belle et la plus forte.

C’est long. Très long! Chico fait ses courses dans les déchets charriés par l’océan. Un pneu, de la corde, des bouteilles, tout est beau pour l’occuper. Pendant ce temps, nous continuons de voguer entre les sentiments extrêmes: larmes de souffrance et de joie. Rires de détresse et de bonheur incomensurable. C’est peut-être cela « lâcher-prise »… Il est 14h, nous arrivons chez Senhor Antonio, au Canto do Atins. Un restaurant qui augure la fin de notre doux calvaire! Quelques soins, une douche, de l’eau et plusieurs crevettes suffisent à nous requinqués. Nous sommes prêts pour le clou du spectacle. Comme pour nous féliciter, le soleil nous offre une sortie de scène merveilleuse. Assis sur des dunes immenses, nous regardons ce récital en silence. Nos yeux, pourtant embués, saisissent distinctement toutes les nuances de la palette de couleurs que nous offre l’astre jaune. Silence, on aime!

Emplis d’énergie, nous achevons le parcours vers 18h30. La maison de Dona Rita nous semble encore plus merveilleuse qu’avant le départ. Après un rapide débriefing avec Chico, nous allons nous coucher. Épuisés par tant de bonheur…

Le réveil est doux. Les jambes sont lourdes. Le coeur plein. Les yeux rieurs. Dehors, la journée est belle. Nous faisons calmement nos paquets. Un 4×4 devrait passer nous prendre pour retourner à Barreirinhas. Avant cela, nous avons le temps de flâner. Observer le matériel de pêche du mari de Dona Rita. Manger un repas succulent préparé par Sêsê. Du poisson frit avec des haricots oeil noir et du riz. C’est le ventre plein que nous voyons le 4×4 filer sous notre nez sans s’arrêter… Comment est-ce possible de rater un transport dans un petit bled comme celui-ci? Incrédules, mais morts de rire, nous allons rejoindre Dona Rita. Rien n’est organisé, mais tout est simple.

Il y a bien ce bateau qui remonte le rio perguiça, dit-elle. Un bateau de « ligne », avec 4 touristes et leur guide à bord. Malgré son nom, Confio em Deus (« j’ai foi en Dieu »), on n’est pas spécialement rassurés, tant le rafiot sent l’essence et semble inconfortable. Ça sentait le sapin et cela s’est confirmé. Le voyage est pénible! Très long, bruyant et sacrément douloureux pour nos dos. Sans oublier la compagnie peu agréable de la petite bande: entre voix criardes (en espagnol, en plus), rires disgracieux et cigarettes incommodantes (alors qu’on est assis sur des bidons d’essence). Après un arrêt à Vassouras, nous atteignons notre destination alors qu’il fait déjà nuit. Ouf!

À 19h, nous n’avons plus qu’une chose en tête: trouver un toit pour la nuit. C’est chose faite à la pousada do porto. Quelques photos, un hamburger et des frites plus loin, c’est déjà la fin de notre aventure inoubliable aux Lençóis Maranhenses. Cette fois, ça sent la fin…

En route vers la dernière étape de notre périple autour du monde!

Des photos!

Nels

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